Trois fois, des amis, connaissant mon intérêt pour Jérusalem, m’ont fait fait plaisir en me faisant parvenir un lien vers les images 3D de lieux saints, l’un d’eux avec l’introduction suivante :
Voici le trésor de Jérusalem, une des raisons des guerres du Moyen Orient…
Ça m’a donné à réfléchir. Dans quelle mesure les lieux saints sont une des causes de la guerre au Moyen Orient. Je trouve intéressant d’expliciter ce point. Mais un petit survol historique serait intéressant avant de s’exprimer sur la question.
Les plus âgés parmi nous connaissent dans les récits bibliques la promesse d’une terre à Abraham et l’établissement en Canaan du peuple hébreu sous la conduite de Moïse. Ces récits ont contribué à bâtir l’identité du peuple juif, servent encore à fabriquer l’histoire de ce peuple et font partie de l’expérience de foi des chrétiens.
On se rappelle que le petit peuple hébreu a connu sous David, dans les années 1000 av. JC, des heures de gloire, mais moins de 100 ans plus tard, le royaume se scindait en deux. Ensuite, ce peuple et sa terre ont été dominés par des puissances bien supérieures, l’Égypte, l’Assyrie, les Babyloniens, la Macédoine, Rome, les Arabo-musulmans, les Mamelouks, enfin les Ottomans, jusqu’à ce que les puissances coloniales britanniques et françaises y affirment à leur tour leur puissance. Avant Jésus-Christ, les lieux saints chrétiens et musulmans n’existaient pas; quant au temple de Jérusalem, il a été détruit en 588 av. J.C., reconstruit puis détruit à nouveau en 70 ap. JC. On peut affirmer de façon générale que le Proche-Orient en a bien connu des guerres, avec ou sans lieux saints. Et pendant qu’on braque les projecteurs sur la Terre sainte, durant le XXe siècle, et encore maintenant, n’oublions pas que plusieurs peuples se disputaient la domination d’un territoire et ont exterminé d’autres peuples, les victimes se comptant par millions. Plus modestes sont les chiffres en Terre sainte. Ceci dit, je ne veux pas minimiser les souffrances des Palestiniens, des Libanais, des Syriens, des Israéliens, des Égyptiens, qu’ils soient de religion chrétienne, musulmane, juive ou autre.
Les lieux saints sont reconnus comme tels, parce que juifs, chrétiens et musulmans y ont construit ces monuments ou ces bâtiments de culte, et y ont affirmé leur foi en Dieu. Mais reconnaissons que leur foi a été instrumentalisée par des projets de puissance politique, dans les trois traditions monothéistes et chez les puissances voisines. En eux-mêmes, ces lieux ont-ils jamais causé la guerre? La question mérite qu’on s’y arrête. Je ne suis ni historien, ni politologue, encore moins polémologue, mais je peux dire comment je vois les choses.
Quand des pèlerins chrétiens vont à Jérusalem, ils vont visiter les lieux où aurait passé Jésus de Nazareth et se retremper aux origines de leur foi; ils vont méditer sur la vie de Jésus le Christ et espèrent raffermir leur foi. La foi y est tellement ardente que parfois la présence de communautés chrétiennes diverses donne lieu à des conflits. Mais cela ressemble à des chicanes de famille, où on s’aime quand même, parce qu’on est uni au même Christ. Les chrétiens se sont vu accorder non pas la possession de terres, mais le droit de vénérer leur Dieu dans quelques lieux, dits saints.
Depuis 1948, et le départ des puissances coloniales, les juifs ont fait de Jérusalem et de la terre qu’ils identifient à celle de leurs ancêtres hébreux, leur nouveau pays où ils espèrent construire un État moderne. Au sein même d’Israël, des tendances et des désaccords profonds existent quant à ce qu’est un juif, quelle devrait être la judéité de l’État d’Israël, quels groupes ont le droit d’y appartenir. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les partis politiques en présence et le fragile et savant équilibre des gouvernements en Israël.
Mais ce qui fait l’unité de cet ensemble, c’est la présence d’une autre force, celle des arabo-musulmans, dont les Palestiniens. Ceux-ci occupaient une partie des terres où Israël veut bâtir son État. Dépossédés par les juifs, ils résistent. Ils sont appuyés dans leur combat par diverses factions habitant les pays environnants, principalement en Syrie, Iran, Liban, etc.
L’état de guerre dans le Proche-Orient que nous connaissons depuis les années 1948 a toute une histoire que je ne suis pas compétent à analyser, ni à décortiquer. Je pense que les lieux saints ont une valeur symbolique dans cette guerre. La première cause à mon avis est territoriale: deux peuples, le peuple juif et le peuple palestinien, se disputent la possession des terres qu’on trouve en Israël et au bord du Jourdain et du lac Tibériade. Je ne peux pas départager les responsabilités des conflits pour le moment. Deuxièmement, je pense que le conflit met en cause l’islam, qui considère les croyants des autres religions comme des infidèles et vise ni plus ni moins à les combattre. Il ne faut pas avoir peur de dire ce qu’on pense.
Le christianisme a, à une autre époque, considéré les autres religions de la même manière. Dans le christianisme, on n’a pas toujours suivi l’enseignement et l’exemple donné par Jésus lui-même. Tôt, les adeptes de la foi chrétienne, l’apôtre Pierre et certains de ses sucesseurs, ont succombé à la tentation de dominer plutôt que de servir, de posséder la terre plutôt que de la partager avec leurs semblables. Au Québec, nous avons le jugement facile en parlant des conflits ailleurs, mais nos ancêtres, colons anglais et français en Amérique, n’ont pas hésité à détruire les peuples autochtones. Et nous-mêmes, ne participons-nous pas par nos forces armées à des guerres dont le bien-fondé n’est pas nécessairement et clairement établi? Finalement, la plupart des êtres humains participent à des luttes de pouvoir, de possession. Et je suis convaincu que la foi juive et la foi chrétienne, comme d’autres religions, quand elles sont vécues en accord avec les enseignements de la Torah, de Jésus ou de leurs maîtres, peuvent être des ferments de paix.
Finalement, les trésors des lieux saints sont-ils vraiment une des causes de la guerre au Moyen-Orient ou bien, au contraire, gardent-ils vivant l’espoir d’une éventuelle rencontre des religions, du partage d’un même terre, du dialogue avec les autres, à la fois étrangers et semblables?