
La récente défaite du Parti québécois, préparée de longue date par l’émiettement de sa base au profit de Québec solidaire, de Option nationale et de Coalition avenir Québec, et la course à la chefferie du Parti québécois m’obligent à réfléchir à l’avenir du Québec. Quelles valeurs me guideront dans cette réflexion?
Un jour, dans une rencontre pastorale, je participais à un panel dont le sujet était:
Quelle qualité reconnaissez-vous dans votre Dieu? J’ai répondu que pour moi le Dieu des chrétiens est fidèle. Ce n’est pas seulement une qualité que j’ai découverte dans ma lecture de l’histoire du peuple de Dieu racontée dans la Bible, c’est une expérience de vie personnelle, dont je relate les principales étapes. Dès ma jeunesse, j’ai connu la fidélité dans le respect de la parole donnée par l’exemple d’adultes qui remplissaient leurs promesses, et particulièrement de mes parents qui se sont mariés, aimés et soutenus pendant plus de cinquante ans. À l’adolescence, malgré un milieu familial distant de l’Église, je me suis engagé à la suite de Jésus Christ, principalement dans les scouts-routiers et la Saint-Vincent-de-Paul. À 20 ans, croyant en une vocation à la vie religieuse, j’ai joint la Compagnie de Jésus où j’ai connu l’enthousiasme de la vie en communauté et des études théologiques; mais j’ai abandonné au bout de 6 ans d’expérimentations, incapable de vivre le célibat. J’ai donc choisi la vie maritale et familiale et j’y suis resté fidèle et heureux depuis une quarantaine d’années. J’ai aussi continué de servir Jésus Christ dans mon métier d’enseignant et de bénévole en pastorale.
Je ne raconte pas ça pour m’enorgueillir, car rencontrer Dieu ne m’a pas épargné échecs, abandons et trahisons . La fidélité est importante à mes yeux non parce que j’ai quelque prétention à cette qualité, mais parce que je pense que des personnes aimées m’ont été fidèles et que Dieu lui-même m’a été fidèle, même quand j’ai erré par des sentiers hors de ses voies. Si je crois en Dieu, c’est parce que j’ai fait l’expérience de sa présence et de sa bienveillance indéfectible en faveur des humains.
J’en viens au titre de mon article. Ma deuxième option de vie est basée sur la conviction que le peuple québécois a une vocation à devenir souverain et à prendre place dans l’assemblée des nations, petites et grandes. Les Québécoises et Québécois, à mon avis, se voient comme une nation, bien que divisés sur la question du partage des pouvoirs politiques avec ses voisins et l’ensemble des Canadiens. Mes parents eux-mêmes s’opposaient sur cette question. Nous avons donc au Québec des fédéralistes et des souverainistes. Les premiers favorisent une organisation politique où l’État central est prédominant, les seconds souhaitent que les provinces (à l’origine des états fédérés) jouissent davantage d’autonomie. Je compte parmi ces derniers pour que les Québécois aient plus de perspectives d’épanouissement de leur culture et vivent selon leurs valeurs dans une organisation politique autonome, maîtres d’établir des partenariats avec ceux qui le veulent. Périodiquement, des conflits opposent Québec et Ottawa à propos de la vision souverainiste du partage des pouvoirs et des invasions incessantes des fédéralistes dans les champs de compétence provinciale. Il n’est pas bienvenu présentement de parler de souveraineté, mais comment a-t-on pu oublier que le rapatriement de la Constitution et la Loi constitutionnelle de 1982 n’ont pas encore été acceptés par le Québec, même si, depuis cette date, un parti fédéraliste libéral a exercé le pouvoir en alternance avec un parti souverainiste! Pour ma part, autant dans ma vie personnelle que politique, j’ai toujours pensé que l’autonomie prévalait sur la soumission, la création d’un pays à son image propre sur la sécurité assurée par les autres. Cette conviction s’élève pour moi au rang de fidélité. Et du train où vont les relations entre le fédéral et le provincial, je ne pense pas changer d’avis sur cette question de mon vivant.
Cette double fidélité, qui caractérise mes options religieuse et politique, alimente mon espoir que le Royaume annoncé par Jésus Christ est déjà là, manifesté dans les actions de tout un chacun qui centre sa vie sur l’amour et le service des autres. Pareillement, la naissance du pays du Québec approche à chaque fois qu’une femme et un homme affirment les valeurs originales de notre culture et de notre vision du monde. Le projet de Charte de la laïcité a été pour moi un effort courageux dans l’identification et l’affirmation des valeurs québécoises.
Aux côtés de ma double fidélité trône une autre valeur importante: l’accueil de l’étranger qui cherche au Québec un meilleur avenir pour ses enfants et une vie pacifique. Je pense qu’un Québec souverain ne verra le jour que grâce à l’appui et aux forces des Québécois ayant immigré chez nous depuis quelques générations. D’ailleurs, n’avons-nous pas tous, par nos ancêtres, été des voyageurs, des aventuriers, des chercheurs d’un monde meilleur, des demandeurs d’asile, sur une terre étrangère? C’est pourquoi le prochain chef du Parti Québécois devra absolument en tenir compte et suggérer comment les immigrants et leurs descendants pourront faire pays avec les Québécois dits de souche. L’accueil de l’autre, de ceux qui sont différents, de nouvelles idées pour construire, chanter, jouer, manger, protéger l’environnement, prendre soin des plus faibles, toutes ces richesses sont nécessaires pour bâtir un pays!