Certains de mes amis sont fatigués de parler de cette question, car Rome a statué et ne voudra pas revenir là-dessus. Quand ce ne serait que pour ma satisfaction personnelle, je tiens à aller le plus loin possible dans cette réflexion. Et je pense que les «simples fidèles», pour peu qu’ils tiennent à leur foi en Jésus Christ et à la communion des baptisés, ne doivent pas s’écraser et se taire face à la position enseignée par Rome. La question que je me pose est: Sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce, est-ce que les arguments apportés par Rome tiennent la route?
On sait que le récent document catholique romain «Nouvelles normes sur le délits les plus graves», en resserrant les procédures contre les prêtres abuseurs, a qualifié comme un délit l’ordination ou l’attentat (sic !!!) d’ordination d’une femme. Soyons bienveillants et passons par dessus le fait que ce document mal pensé a associé l’ordination d’une femme à un crime, l’abus sexuel sur mineurs.
Du Québec et d’autres pays sortis du Moyen Âge sont venues des demandes persistantes pour considérer la vocation des femmes au sacerdoce, et Rome continue d’opposer un refus net avec trois arguments. Ces arguments ont été publiés dans la Déclaration Inter insigniores (en français) de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel. Les voici : (1) l’exemple de Jésus qui a choisi ses apôtres uniquement parmi les hommes, (2) au cours de ses 2000 ans d’histoire, l’Église a continuellement agi ainsi et (3) le prêtre étant un signe du Christ, à cause de son sexe, une femme ne peut pas convenablement représenter Jésus.
Dans cet article, j’émets quelques considérations sur la liberté de Jésus, ce qu’on fait dire à l’Écriture à propos des femmes apôtres et ce qu’on a caché, la place de Marie dans cette question et la responsabilité des évêques, représentés ici par la Congrégation pour la doctrine de la foi.
1- L’EXEMPLE DE JÉSUS. On dit que Jésus était libre et que, s’il l’avait voulu, il aurait bien pu appeler des femmes à faire partie des Douze apôtres. Généralement, on pense aujourd’hui que, pour un homme de son époque, Jésus a fait preuve d’une grande considération pour les femmes, ce qui renforce l’argument qu’il n’avait pas l’intention d’appeler des femmes à être apôtres. Finalement, on rive le clou en disant que la dignité et la sainteté de Marie sa mère lui auraient bien valu d’être la première femme ordonnée prêtre, ce que Jésus n’a pas fait.
Je conviens que Jésus était libre, mais libre en recherchant la volonté du Père. On s’entend, la volonté de Dieu n’est pas toujours évidente et est éminemment affaire de discernement et de relecture des événements de la vie du peuple de Dieu. Et si Jésus était un homme pour vrai, lui aussi a dû se retirer pour prier et discerner quelle était la volonté du Père. Parce que les Évangiles disent que Jésus n’a pas appelé de femmes au ministère d’apôtre, il ne s’ensuit pas nécessairement que c’était la volonté de Dieu que les femmes soient pour toujours refusées à ce service. Bien au contraire, une lecture non biaisée des Évangiles peut conduire à une interprétation différente.
En effet, bien qu’on mentionne dans la Déclaration Inter Insigniores que Jésus a chargé des femmes de porter le message de sa résurrection aux Douze, les auteurs se gardent bien de tirer de ce fait les conséquences, à savoir que ces femmes ont agi en envoyées et pouvaient être considérées comme apôtres. N’oublions pas aussi que c’est une Samaritaine qui, suite à sa rencontre de Jésus, devient messagère de salut auprès des Samaritains. La Déclaration s’abstient bien de mentionner son témoignage qui a conduit ses compatriotes à reconnaître en Jésus le sauveur. Ces deux cas illustrent qu’en rédigeant les évangiles on a fait une relecture, un choix, une interprétation selon les us et coutumes de l’époque. Il était normal en fin de compte que des hommes tiennent le rôle officiel d’apôtres, mais faut-il nécessairement y voir un «dessein éternel» du Père?
Le fait que dans les écrits bibliques les Douze apôtres soient des hommes, par la volonté de Dieu prétend-on, dépend assurément plus des nécessités de la mission qui exigeait à l’époque un certain profil d’apôtre. Quand les évêques choisissent aujourd’hui des candidats au sacerdoce, ils se guident sur un certain profil. Les cardinaux eux-mêmes, quand ils choisissent un des leurs comme pape sous l’inspiration de l’Esprit, n’en demeurent pas moins guidés par les besoins de la mission de l’Église aux hommes d’aujourd’hui.
On peut certainement douter que la Congrégation pour la Doctrine de la foi s’est laissée guider par les exigences de la mission de l’Église au début de IIe millénaire. Il me semble qu’en affirmant qu’elle «ne se considère pas autorisée à admettre des femmes à l’ordination», elle a fait preuve d’une singulière pusillanimité à chercher la volonté de Dieu et à interpréter les signes des temps dans l’admission des femmes au sacerdoce, tout le contraire de ce que le Concile Vatican II les invitait à faire.
Si tant de femmes travaillent aujourd’hui au service de la mission dans nos paroisses et nos évêchés, qu’attendent nos évêques et surtout nos cardinaux pour reconnaître à la face du monde que certaines de ces femmes sont des apôtres dans l’âme et pourraient, si on se donnait la peine d’examiner leur appel au sacerdoce, être admises par l’Église. À mon sens, ils feraient ainsi preuve d’une plus grande fidélité à la volonté du Père qu’en imitant servilement le Seigneur Jésus, ses Apôtres et les Pères de l’Église.
L’argument le plus facétieux – qui montre toute la faiblesse de la position romaine – est celui que Marie la mère de Jésus, pourtant intimement associée à son mystère, n’a pas été «investie du ministère apostolique»! Je réponds: était-il vraiment nécessaire qu’elle soit appelée à être apôtre, elle qui avait assumé la tâche énorme de mettre au monde cet enfant et d’éduquer le futur prophète? Il me semble qu’elle en a assez fait pour qu’on lui reconnaisse sa dignité et son rôle dans la révélation du Royaume des cieux. C’est comme si on disait aujourd’hui que Mère Térésa aurait pu être ordonnée prêtre. Oui, à condition qu’elle en ait reçu l’appel, à condition qu’elle n’eut pas exercé un autre charisme, et quel charisme!
Plutôt que de qualifier l’ordination des femmes de délit, le Pape Benoît XVI devrait songer sérieusement que c’est un chemin incontournable pour l’annonce de l’Évangile aujourd’hui. Il y a là une réconciliation à faire avec la moitié de l’humanité, bien plus utile que la réconciliation avec les lefebvristes.
En attendant d’aborder les deux autres arguments de la Déclaration, c0ntinuons de croire que l’Esprit saint guide nos évêques et d’espérer que la plus haute autorité de Rome se mette à l’écoute de l’Esprit saint et ait le courage de réexaminer la question et de prendre au sérieux les demandes des femmes appelées.
Suite dans l’article 2: Que les femmes se taisent dans les assemblées…
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