
Du jugement dont vous jugez, on vous jugera et de la mesure dont vous mesurez, on mesurera pour vous (Mt 7,2). Je lisais qu’un porte-parole du diocèse de Québec prenait la défense de Marc Ouellet, disant qu’aucun cardinal ne méritait d’être associé au mot salopard. L’outrage venait de la SNAP, une association américaine des victimes des prêtres abuseurs.
Il fut un temps où le bon peuple chrétien se taisait devant les abus et les comportements inappropriés des prêtres. Depuis plusieurs décennies déjà, ce n’est plus le cas. Les abuseurs, qu’ils soient frères, prêtres ou évêques, sont dénoncés et prévenus en justice. Seul quelqu’un qui a vécu sur une autre planète peut croire que des évêques peuvent éviter de subir, sinon la justice des tribunaux, du moins le jugement populaire.
On a rapporté ces propos de Marc Ouellet:
Invité d’honneur de Campagne Québec-Vie à l’occasion de la Journée internationale de la famille, le cardinal Marc Ouellet a soutenu hier que rien, pas même le viol, ne justifiait l’avortement, qui doit être considéré comme un crime «moralement». Le Soleil, 16 mai 2010
Je veux bien accepter que le Cardinal voulait inviter à la réflexion. Néanmoins, nos paroles nous suivent. C’est pourquoi ça m’a fait penser à cette parole de l’évangile de Matthieu en tête d’article.
Depuis plusieurs années, des catholiques demandent aux cardinaux de réfléchir aux implications de la vie de prêtre célibataire, obligé, pour servir l’Évangile, de faire vœu de chasteté. Les cardinaux et le pape ont refusé de reconsidérer la question ne voyant aucun rapport entre la pédophilie et la solitude affective non-assumée de certains prêtres. Si l’une n’entraîne pas nécessairement l’autre, elle peut devenir une occasion de chute. Ne vaut-il pas mieux admettre que, dans l’histoire de l’Église catholique du Québec au XXe siècle, le prérequis du célibat des prêtres pouvait attirer des personnes affectivement immatures et sujettes à des déviations? Je peux me tromper et je n’accuse pas, car je ne dispose pas d’études sur la question, mais nous sommes nombreux à estimer qu’une réflexion s’impose. Si Marc Ouellet était choisi pape, en aurait-il le courage?
Si l’on traite de moralement criminelles les personnes qui pratiquent un avortement, comment doit-on traiter ceux qui, sous couvert d’habit religieux, ont violé l’intégrité physique, psychologique et spirituelle de jeunes personnes? Comment doit-on traiter les supérieurs religieux qui ont protégé les abuseurs? Doit-on les qualifier de moralement criminels? Le mot salopard est dur à entendre pour ceux qui sont habitués à user de Éminence par-ci et de Monsieur le Cardinal par-là. Je ne n’apprécie pas ce langage, mais je n’ai pas été victime. Je déteste qu’on vilipende quelqu’un sur la place publique sans fournir de preuve, mais les religieux qui suivent l’enseignement de Jésus ont un devoir de vérité et de transparence.
Le mot criminel est-il plus facile à entendre quand , sans considération des circonstances de l’avortement, il est appliqué à une victime de viol, à une personne qui n’a pas son libre-arbitre, aux parents de cette personne, à ceux qui la conseillent, aux soignants? Même si Matthieu a retenu dans son Évangile Du jugement dont vous jugez, on vous jugera et de la mesure dont vous mesurez, on mesurera pour vous, je pense que cet avertissement de Jésus invitait à se mettre à la place de l’autre avant de le juger. En 1940 ou 1950, si j’avais été supérieur religieux, qu’aurais-je fait d’un abuseur et comment aurais-je traité une victime? Probablement pas ce que j’aurais fait en l’année 1990 ou 2000. Il invitait également ceux qui se font juges à faire preuve d’amour pour autrui.
Au delà de l’outrage dénoncé par le porte-parole du diocèse de Québec, les Cardinaux comprendont-ils qu’ils doivent prendre la juste mesure de leurs comportements et de ceux des prêtres dont ils ont été responsables, reconnaître avec humilité leurs faiblesses et leurs fautes et s’engager publiquement sur un chemin de conversion et de juste réparation envers les victimes. Si, au lieu de défendre leur image, ils font cela, ils pourraient bien trouver parmi ceux qu’ils ont appelés relativistes ou incroyants, des personnes capables de grandeur d’âme et disposés à pardonner. Quant aux fidèles catholiques, ils demandent que leurs chefs soient capables d’agir avec compassion envers les autres comme ils souhaitent que les autres agissent à leur égard et comme ils ont tant prêché de le faire.