
On est porté, rareté de l’évènement oblige, à suivre les médias dans leur incessante poursuite de nouvelles fraîches pour ceux qui sont attentifs aux moindres signes de ce que les cardinaux catholiques vont faire. Félicitons-nous que les médias cherchent à percer le secret qui entoure leurs délibérations! Car, beaucoup aimeraient aujourd’hui participer au choix de leur chef. Faisons-le au moins en exprimant notre rêve.
J’imagine que les quelque 115 électeurs n’oublient pas leurs commettants quand ils évaluent lequel parmi leurs pairs fera le meilleur leader de l’Église catholique. Il est utile de savoir que les 3 cardinaux canadiens représentent près de 12 millions de fidèles, tandis que les 4 cardinaux français représentent plus de 16 millions de fidèles. Félicitons les derniers papes d’avoir élevé la représentation des pays asiatiques, africains et latino-américains. Comme quoi la démocratie a fini par toucher notre État de droit divin. Il se trouve même que le pape Benoît XVI, en cédant son poste, a devancé les chefs des États dictatoriaux qui se comptent par dizaines sinon par centaines dans le monde. J’ose croire que c’est par souci de la mission de l’Église et de sa crédibilité à annoncer l’Évangile.
Allons plus loin: demandons-nous si les 3 cardinaux canadiens, Collins, Turcotte et Ouellet, sont hommes à indiquer la voie de l’Évangile aux catholiques d’ici, c’est-à-dire s’ils ont témoigné par leurs paroles et leurs actes de la compassion de Dieu pour les humains. Chacun de nous a ses perceptions et sa connaissance à ce sujet, mais il me semble important que chaque baptisé réponde à cette question. Quel que soit l’élu, je désire qu’il nous mette résolument sur la voie de l’Évangile et qu’il donne l’exemple.
Je me permets de dire que certains signes extérieurs révèlent la personne. Jésus n’a pas revêtu de robe d’une couleur distincte des hommes de son temps, il n’a pas accepté non plus de titre reflétant son éminence. Jésus s’est plutôt confondu aux gens ordinaires de son temps. Malgré des coutumes qui reléguaient à la maison les femmes de son époque, on sait que des femmes faisaient partie de sa suite de disciples. On sait même que leurs paroles et leurs actions ont occupé une place déterminante et exemplaire dans l’enseignement de Jésus et dans l’annonce de la Bonne Nouvelle. Ces signes et ces manières d’agir parlent de l’esprit de la personne, de sa façon de concevoir ses rapports avec les fidèles et tous les baptisés indépendamment de leur sexe et de leur condition sociale.
Je m’attends à la même chose de nos évêques, supposés être les leaders dans l’annonce de l’Évangile. Est-ce que je suis un rêveur d’espérer cela? Peu importe au fond qui je suis: l’important, c’est ce qui sortira du conclave. Le leader que les cardinaux éliront sera-t-il à l’image de Jésus qu’il est supposé représenter, continuera-t-il de porter un titre, continuera-t-il d’être traité comme un prince, continuera-t-il de faire de la haute théologie, ou bien redonnera-t-il la dignité aux victimes des abus sexuels, favorisera-t-il l’ouverture des ministères aux femmes, mettra-t-il fin au serment de fidélité au pape, reconnaîtra-t-il que les homosexuels et les divorcés devraient avoir une place à la table du Seigneur? Le pape, au risque d’être critiqué par les bien-pensants, ne devrait-t-il pas être à l’avant-garde de la conversion de ses frères-évêques et de toute l’Église? Les cardinaux iront-ils jusqu’à écouter ce qui se dit dans le peuple de Dieu ces jours-ci? Non pas, comme plusieurs pensent, pour revamper l’Église catholique, mais pour qu’elle revienne à sa mission première.
Oui, j’ai les yeux tournés vers Rome, mais j’espère que les cardinaux les ont tournés vers les catholiques.